Interviews

 
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Partage en Transplantation Cardiaque

Hôpital de la Pitié-Salpêtrière - Paris




 
L'aventure de la greffe cardiaque
Pr Alain Pavie, Chef du service de chirurgie cardiaque et thoracique

S'inscrire dans la lignée des pionniers tout en continuant à être porteur d'innovations et à entretenir un relationnel fort avec chacun des patients ; c'est le difficile pari qu'accomplissent chaque jour les équipes de transplantation cardiaque de la Pitié-Salpêtrière. "Nous sommes dans la continuité de l'esprit qui a auréolé les débuts de la greffe à la Pitié-Salpêtrière. Les anciens chefs de service ont toujours leur bureau ici." Quand il est arrivé dans le service en 1975, il n'y avait encore pas eu 10 transplantations cardiaques dans le monde. Aujourd'hui, avec une cohorte de quelques 800 patients, Alain Pavie aime à rappeler que plus de 70 malades ont plus de 25 ans de greffe derrière eux. "Nous avons fait des progrès certains mais la transplantation cardiaque est toujours une aventure qui met en jeu beaucoup de choses. L'Agence de la Biomédecine est une structure unique qui fonctionne merveilleusement bien. Les équipes chirurgicales, médicales ou paramédicales sont toujours enthousiastes. La transplantation, c'est le cas par excellence où nous avons l'impression d'être utiles. Il y a, je crois, deux interventions qui sortent de l'ordinaire : la césarienne qui donne la vie et la transplantation qui redonne la vie. C'est toujours exceptionnel de voir un cœur qui repart."
Pour Alain Pavie, la transplantation relève de l'excellence. C'est pourquoi il insiste particulièrement sur la formation des jeunes de son service : qu'ils soient infirmiers, chirurgiens ou techniciens. "Le fonctionnement du service, c'est le compagnonnage. Celui qui fait, c'est celui qui sait. Tous les métiers savent faire un petit bout du métier d'à côté, c'est notre richesse. Nous avons aujourd'hui, une catégorie de jeunes exceptionnels." Ce qui tient aussi certainement à l'implication des aînés.
Par ailleurs, la fédération est un autre des points forts soulignés par le dynamique professeur. "La fédération créée notamment par le Pr Cabrol permet de faire les choses. Le programme de transplantation à partir d'un donneur décédé par arrêt cardiaque (DDAC) en est un très bel exemple. Nous avions un vrai savoir-faire, nous l'avons proposé aux urologues puis les chirurgiens hépatiques l'ont repris. C'est dans la logique."






"Remplacer le cœur, un organe mythique"

Pr Pascal Leprince, Chirurgien cardiaque
A quel moment intervient le chirurgien cardiaque dans le parcours du patient transplanté ?
"A tout moment, avant, pendant et après l'intervention. Lors du staff multidisciplinaire et lors des consultations préalables à la greffe, nous rencontrons le receveur et évaluons avec nos confrères le bien-fondé de la greffe. Nous sommes également en première ligne pour le choix du greffon. C'est l'équipe de chirurgiens qui reçoit l'appel de l'Agence de la Biomédecine. Nous sommes toujours 3 de garde : 1 senior, 1 chef de clinique et 1 interne.
Concernant l'intervention, on peut dire que techniquement, elle est assez simple. Mais le rôle du chirurgien ne s'arrête pas à la greffe en elle-même, c'est un tout. L'amélioration de la prise en charge de l'insuffisance cardiaque induit que nous allons plus loin avec les patients avant la transplantation. Lorsque nous y arrivons, les patients ont un état général souvent plus altéré. Nous pouvons avoir face à nous des patients plus âgés, multi-opérés voire qui ont déjà bénéficié d'une première transplantation ou d'un cœur artificiel."
Quelles sont les spécificités de la Pitié-Salpêtrière ?
"C'est peut-être justement sur ce choix des receveurs. Nous avons une certaine ouverture d'esprit qui nous incite à donner une chance à un maximum de patients, quelles que soient les difficultés de prise en charge. Nous avons élargi les critères de choix de nos greffons de façon à pouvoir greffer des patients qui ont pu être refusés par d'autres équipes. Il peut s'agir de patients âgés ou particulièrement immunisés.
Parallèlement, nous avons mis en place avec nos confrères de transplantation rénale et hépatique, le programme de prélèvement sur donneur décédé par arrêt cardiaque (DDAC). A partir de l'expérience des Espagnols, nous avons d'abord eu le souci d'améliorer la prise en charge de ces patients en extra-hospitalier. Toutefois, la majeure partie d'entre eux était décédée. D’où notre volonté de préserver les organes de façon à pouvoir recueillir l'avis des proches en vue d'une greffe. Le travail d'information a été un peu compliqué : le donneur à cœur arrêté est déjà décédé quand nous décidons d'intervenir en vue d'un prélèvement. En revanche, avant, nous faisons tout ce qu'il faut en termes de réanimation. Il y a une claire séparation entre les 2."
En tant que chirurgien, quel regard portez-vous sur la transplantation ?
"C'est sans conteste une intervention particulière. On remplace le cœur, un organe mythique. Parallèlement, ce n'est pas un traitement dont on dispose en quantité suffisante : on doit faire des choix. Enfin, la transplantation cardiaque n'est pas indemne de complications à court mais aussi à moyen terme. Aujourd'hui, l'assistance circulatoire permet de temporiser la transplantation chez des sujets jeunes, de retarder son échéance en préservant une certaine qualité de vie. Ce n'est pas encore une alternative à part entière mais nous y sommes presque. Cela nous permet également aujourd'hui de mieux répartir les greffons et de pouvoir prendre le temps.
Pour en revenir à la greffe en tant que telle, elle implique une organisation et des infrastructures relativement lourdes. Et souvent un rapport très particulier avec les patients. La greffe redonne la vie ou au moins une qualité de vie. Pour les patients souffrant d'insuffisance cardiaque chronique, l'attente est un moment extrêmement difficile. Ils n'en peuvent plus. La situation est toute différente pour les patients en super-urgence ayant présenté un infarctus brutal. En quelques jours, quelques semaines, tout change."






La rigueur du prélèvement cardiaque
Dr Patrick Farahmand, Chirurgien cardiaque

Une course contre la montre où l'improvisation n'a guère de place ; c'est ainsi que pourrait être défini le prélèvement d'un cœur. Tout commence par l'appel de l'Agence de la Biomédecine indiquant au service qu'un cœur pourrait être disponible pour un receveur de la Pitié. Les chirurgiens de garde font alors une première sélection à partir des informations transmises. Taille, poids de l'organe, groupe sanguin du donneur sont pris en compte. "Un certain nombre de données sont accessibles en ligne, explique Patrick Farahmand. Nous évaluons si le greffon est correct via l'échographie réalisée là où se trouve le donneur, vérifions le taux de troponine et surtout surveillons le nombre de drogues données pour soutenir le cœur s'il est défaillant. Globalement, si la fonction cardiaque est correcte, en rythme et qu'un nombre restreint de traitements ont été donnés, on y va. Pour nous, l'âge du donneur n'est pas un facteur limitant. Nous portons de moins en moins de contre-indications sur le greffon car nous avons des moyens pour lui faire passer le cap. Il vaut mieux un léger surcroît de risques plutôt que laisser des patients en attente."
Une fois que le chirurgien senior de garde a pris la décision d'accepter le greffon, l'équipe se rend sur place, le plus souvent en prenant l'avion et plutôt via des petits aérodromes. Tout est chronométré. Une fois sur place, le chirurgien porte une évaluation visuelle de l'organe et vérifie la concordance entre ce qui a été décrit précédemment et le cœur devant lui. "Il y a pu avoir une évolution pendant le trajet. Disons que dans 10% des cas, je suis obligé de rentrer sans le greffon." Une fois les préleveurs rénaux et hépatiques intervenus, le chirurgien cardiaque prélève. Le geste peut être très rapide s'il n'y a que le cœur à prendre ou un peu plus long si le prélèvement concerne tout le bloc thoracique. "Ce n'est pas un geste compliqué et nous en avons l'habitude. Toutefois, il y a 2 ou 3 temps primordiaux. Si on prélève mal ou dans la mauvaise fréquence, le greffon ne repartira pas."
Le temps d'ischémie cardiaque étant limité à quatre heures, le chirurgien cardiaque est le premier à quitter le bloc. De façon continue, il est resté en contact avec les équipes de la Pitié qui préparent le receveur. "Nous tenons au courant le greffeur en temps réel. Lorsque de notre côté nous clampons, le chirurgien ouvre son patient, notamment si ce dernier était sous assistance circulatoire. Cela peut prendre 2 heures. Pendant tout le trajet du retour, nous sommes en liaison. Une fois que nous avons atterri, le cœur du receveur est retiré. Tout est coordonné. Mais c'est toujours une aventure. Il y a certes beaucoup de rigueur mais quand nous revenons avec un cœur et qu'on le voir repartir chez le receveur, cela fait toujours quelque chose."






Au bloc : anticipation, organisation et relationnel 
 Mme Dany Boisaubert, Cadre supérieur de santé au bloc opératoire

 "Il n'y a jamais de problème, que des solutions". De cette maxime populaire, les équipes paramédicales du bloc opératoire de chirurgie cardiaque ont fait leur credo. Maillons essentiels de la greffe, elles ont la lourde responsabilité de s'assurer que tout est prêt, conforme, stérile et au complet. Que ce soit au bloc comme pour le matériel du chirurgien préleveur. Une liste d'astreinte de 3 infirmières dont 1 perfusionniste et 1 instrumentiste est constamment disponible dans le bureau de la coordinatrice de la greffe. "Quand le receveur arrive, nous vérifions son dossier. Il passe beaucoup de temps avec l'infirmière. On essaie de parler un peu de tout, des enfants, de la famille afin de le rassurer et qu'il soit plus serein pendant l'attente du greffon. La prise en charge est personnalisée, approfondie."

Ayant participé aux premières greffes avec le Pr Cabrol, Dany Boisaubert trouve toujours cela aussi impressionnant. "C'est émouvant, c'est la vie qui reprend. En tant que telle, c'est une intervention rapide mais tout est très organisé. Nous avons des check-listes, des protocoles, etc. Dès qu'une intervention est terminée, les aides-soignantes se chargent du nettoyage et le bloc est immédiatement rééquipé pour n'importe quelle urgence. On anticipe beaucoup."

 Il n'empêche que dans un espace limité et un temps réduit, les équipes savent créer des liens avec les patients. "On demande régulièrement des nouvelles, on va les voir en hospitalisation", note Dany. Et de remarquer qu'à l'inverse, les patients qui bénéficient d'une retransplantation ne manquent jamais de se souvenir des équipes.




Anesthésie-réanimation : une spécialité largement impliquée
Dr Julien Amour, Anesthésiste-réanimateur
Membres à part entière de l'équipe de transplantation cardiaque, les anesthésistes-réanimateurs interagissent avec les chirurgiens et les cardiologues dès les premiers temps auprès du patient insuffisant cardiaque. Lors du bilan pré-transplantation, ils vérifient la présence d'éventuelles contre-indications et déterminent les caractéristiques du potentiel receveur via une évaluation organique, immunologique et iconographique. Mais c'est en cas d'insuffisance cardiaque décompensée que les anesthésistes-réanimateurs sont au premier plan. Hospitalisés en unité de soins intensifs, ces patients doivent pouvoir bénéficier d'une possibilité de réhabilitation en attendant la greffe. "Pendant très longtemps, en cas de décompensation, nous ne pouvions rien faire, confie Julien Amour. Aujourd'hui, nous pouvons essayer de restaurer les fonctions organiques. Soit pendant le laps de temps que nous accorde la procédure de super-urgence (2 fois 48h) soit par la mise en place d'une assistance cardiaque à moyen ou long terme. Nous avons face à nous des patients instables qui nécessitent une transplantation mais qui ne sont pas en état de la supporter. A nous de trouver une alternative avec les chirurgiens pour stabiliser ces malades. L'assistance circulatoire peut aussi nous aider dans les cas aigus d'insuffisance cardiaque terminale. Je pense à une jeune femme avec un infarctus aigu. A son arrivée, nous l'avons mise sous assistance circulatoire pour pouvoir la réveiller et lui parler de la greffe. La pathologie est déjà un tel choc."
La décision de déclencher le processus pré-transplantation est collégiale lors du staff. Il s'agit de répondre à diverses questions : est-ce que ce patient est transplantable ? Est-ce que le ratio bénéfice/risque est en sa faveur ? Est-ce faisable ? "Nous avons, par exemple, la particularité à la Pitié de greffer des patients immunisés voire hyper immunisés. Il faut réaliser une plasmaphérèse en urgence. Cela nécessite une infrastructure importante." Où l'on comprend mieux le travail en amont et la nécessaire coordination entre tous les spécialistes impliqués.
Pour la greffe en elle-même, il y a toujours 2 anesthésistes-réanimateurs de garde. C'est au bloc qu'ils revoient les patients. Au décours, ceux-ci sont hospitalisés en unité de soins intensifs jusqu'à qu'ils puissent rejoindre le secteur d'hospitalisation conventionnelle. "Initialement, les complications que nous craignons le plus sont d'ordre hémorragiques et fonctionnelles - insuffisance cardiaque ou rénale. Le cap suivant relève de la prévention et de la gestion des infections. C'est vraiment une problématique de réanimation plus chronique lié à l'immunosuppression." A noter que ce sont les anesthésistes-réanimateurs qui initient, en suivant des protocoles, les traitements immunosuppresseurs dès la sortie du bloc.






L'humanité de la prise en charge
Dr Shaïda Varnous, Cardiologue
Lorsqu'elle a débuté dans le service de transplantation, Shaïda Varnous a pu croiser les pionniers qui étaient encore là. Des médecins aux infirmières et cadres de santé, tous ont pu transmettre leurs savoirs et leurs expériences. "A la Pitié, on ressent encore le contexte, l'historique de la greffe cardiaque." Centre de référence avec ses 800 patients greffés et sa centaine de patients en pré-greffe, le service affiche plusieurs spécificités. A commencer par l'indication de greffes combinées cœur-foie dans le cadre des neuropathies amyéloïdes en passant par une cohorte importante de retransplantation et de fait la difficulté à greffer ces patients hyperimmunisés. Sans oublier les receveurs âgés et les patients en choc cardiogénique qui représentent 20% des patients greffés.
Traditionnellement, le service prenait en charge au long cours et de façon unique tous ses patients transplantés cardiaques. Aujourd'hui, le suivi s'organise en réseau. "Dans la première phase qui suit la sortie de l'hôpital, nous restons en première ligne. Le patient vient de façon bihebdomadaire en hôpital de jour pour faire un bilan et une biopsie endomyocardique pour déceler tout risque de rejet infraclinique. Nous leur demandons également de nous prévenir de tout changement : un nouveau traitement dans une autre pathologie, un voyage, etc. La première année est la plus critique, c'est pourquoi nous voyons les patients tous les 15 jours puis tous les mois. A partir de la deuxième année, le suivi est bimestriel. A distance, nous voyons au minimum, nos patients 2 fois par an et après 10 ans, nous ne réalisons plus de biopsie systématique, juste en cas de suspicion de rejet. Mais avec l'augmentation du nombre de patients, nous pouvions plus tout faire. La prise en charge en réseau est mieux pour tous." D'où l'implication et par là-même la formation des cardiologues traitants et des médecins généralistes. En aval de la greffe mais aussi en amont.
En effet, pendant la période d'inscription sur liste, le patient reste suivi par son cardiologue traitant. Si ce dernier l'a déjà très souvent sensibilisé à l'échéance de la greffe, les équipes de l'hôpital de jour ne manquent pas de revenir sur les différentes étapes lors du bilan pré-greffe. "Nous essayons de partir de ce que le patient sait. Lors de ma consultation, je donne des informations sur la transplantation en elle-même, y compris sur les risques opératoires et les éventuelles complications. Je reviens également sur les procédures. Parallèlement, la patient est vu par un cadre de santé qui s'occupe de la coordination et par un psychologue." Tous les 3 mois, le patient revient en hôpital de jour pour refaire un bilan tandis que sa pathologie initiale est gérée par son cardiologue traitant. "L'attente est une période très dure. Certains patients nous appellent pour nous dire qu'ils n'en peuvent plus. J'essaie de leur dire de vivre le plus normalement possible tout en restant joignable. On a un relationnel très fort avec nos malades. Quand on a un moment difficile, on en parle au sein de l'équipe. C'est un élément qui nous aide à tenir. Face à chaque patient, il faut savoir poser des limites sans perdre notre humanité."






"On a un cœur pour vous"
Mme Anne-Fanny Pellemelle, Coordinatrice de greffe


Vous êtes infirmière faisant fonction de cadre et coordinatrice greffe, quel est votre rôle ?
"J'interviens dès que l'Agence de la Biomédecine appelle pour un greffon. J'appelle le chirurgien d'astreinte et lui communique les données disponibles sur le greffon via le logiciel Crystal. Une fois que j'ai l'accord, j'organise le prélèvement. Je prends contact avec l'hôpital où se trouve le donneur pour faire un point et voit avec l'ensemble des autres préleveurs ce qu'il en est. Une fois que j'ai les horaires de prélèvement, j'appelle l'anesthésiste qui va décider avec le chirurgien de l'heure de l'intervention. Je préviens le bloc pour vérifier que tout est prêt, j'appelle le chef de clinique qui va faire le prélèvement et en même temps les sociétés de transport : avion et voiture. Jusqu'à la dernière minute, je vérifie que le donneur est toujours stable pour ne pas faire déplacer le chirurgien inutilement. Nous avons fait une trame papier des différentes étapes pour ne rien oublier. C’est quand même une réelle responsabilité. Je dois garder à l'esprit qu'il faut appeler tout le monde selon des temps précis."
Vous intervenez également auprès du receveur ?
"Dès que le chirurgien a accepté le greffon,  je prends contact  avec le receveur préalablement retenu par le chirurgien. Ce dernier a toujours sur lui la liste potentielle des patients mise à jour quotidiennement. Avec le patient, c'est toujours un moment magique de lui dire qu'on a un cœur pour lui. Nous avons toutes les réactions possibles et imaginables. Avant de le faire venir, je lui pose 2 ou 3 questions : est-ce qu'il a de la fièvre, par exemple ? Quand le malade arrive, je l'accueille avec sa famille. On l'installe dans une chambre jusqu'à son départ pour le bloc."






La richesse humaine
Mme Maggy Poupon, Infirmière


Maggy est sans conteste l'une des figures majeures de la transplantation cardiaque à la Pitié-Salpêtrière. Cela fait plus de 20 ans qu'elle a intégré cette unité, accompagnant les patients dans leur parcours de greffe.
Lorsqu'un patient est en attente de sa greffe, il se rend régulièrement en hôpital de jour pour faire le point sur son état de santé. A ce moment là, Maggy Poupon ou l'une de ses collègues le reçoit pour une consultation dédiée. "Nous ré-expliquons les différentes étapes en nous appuyant sur des documents écrits. En général, les patients sont accompagnés, nous incluons les proches lors de l'entretien afin qu'eux-aussi aient une écoute active. Le conjoint est partie prenante de la transplantation." Parallèlement, les équipes de l'hôpital de jour proposent aux malades en pré-greffe de rencontrer des patients déjà transplantés. "Nous faisons attention aux propos tenus et rappelons que chacun a un parcours différent. Toutefois, même si nous, nous expliquons les inconvénients et les contraintes post-greffe, c'est différent d'un patient qui raconte sa vie avec ses propres expériences."
Dans les 14-15 jours qui suivent l'intervention, les patients retrouvent l'équipe de l'hôpital de jour pour une biopsie cardiaque. Dans les 6 semaines après la greffe, ils se rendent une fois par semaine à l'hôpital puis la fréquence s'estompe sans toutefois ne jamais disparaître. "Ce sont des patients que nous suivons à vie. Certains ont derrière eux 22 ou 23 ans de greffe. On a fait tout le parcours ensemble. En tant que soignants, nous prenons des risques côté humain parce que nous sommes proches des malades. Mais c'est vraiment très riche. En plus, nous avons la chance d'être une petite équipe qui s'entend très bien. On peut se parler à tout moment."






Centraliser les données
Mme Pascale Weber, Technicienne de Recherche Clinique


Tous les patients greffés cardiaques font l'objet d'un suivi de dossier. En effet, l'Agence de la Biomédecine (ABM) via son logiciel Crystal demande à chaque centre de saisir les données concernant ses patients. A la Pitié-Salpêtrière, c'est Pascale Weber qui s'en charge. En lien constant avec les équipes médicales et paramédicales - elle participe au staff hebdomadaire -, elle récupère dans un premier temps le bilan d'inscription du patient qui vient de recevoir un cœur. Y sont notées toutes les conditions de l'intervention, les caractéristiques du greffon et du receveur. "C'est la coordinatrice qui déclare la greffe à l'ABM. Personnellement, je récupère le dossier et les comptes-rendus après l'hospitalisation. Je saisis l'ensemble des données."
Un suivi annuel est ensuite demandé pour chaque patient. A Pascale de récupérer les données. "J'essaie d'être autonome à partir des dossiers et d'éviter de contacter les médecins qui sont déjà débordés. Parallèlement, pour nos patients, les médecins peuvent nous demander de faire des requêtes sur Crystal pour tel ou tel point. Cela demande du temps mais nous avons tous des échanges constants. C'est important, cela permet d'avancer et de comprendre"








Nous allons maintenant poursuivre avec des interviews. La première sera destinée au Professeur P.Leprince, chirurgien à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris dans le treizième arrondissement. La seconde sera celle d'un de ses patient.


http://www.vosquestionssurlagreffe.fr/categories/11426-professeur-pascal-leprince


Interview destinées au Chirurgien, le Professeur Leprince ( photo ci-dessus ).

Avant d'en arriver à la greffe, il faut savoir qu'il y a tout un tas d'autres solutions à voir pour l'éviter, comme par exemple pour les transplantation cardiaque il existe les turbines, les pacemakers, les défibrillateurs etc. Mais ce n'est que temporaire, arrivé à un moment, plus rien ne fonctionne et la greffe est donc inévitable. Le chirurgien est la personne qui doit expliquer le plus clairement possible sa technique d'opération ainsi que les risques qu'il peut rencontrer pendant celle ci et ainsi l'éventuel rejet et les traitements ( qui sont lourd ) pour l'éviter. Il doit également faire accepter au patient le fait de vivre avec l'organe d'une autre personne.
Il faut tout autant savoir qu'en France, nous ne donnons & recevons que des organes Français. Comparé à la Roumanie et d'autres pays où le trafic d'organes est réputés.




  • A quel moment savent ils qu'il va y avoir greffe ?
    - Ils sont appelés pour venir dans le service pour la transplantation lorsqu’un greffon compatible est proposé. Ils savent que jusqu’au dernier moment on peut faire machine arrière si le greffon n’est pas suffisamment bon.


  • Les critères d'urgences ?
    - Sont considérés comme urgents les patients qui sont hospitalisés et nécessitent des médicaments inotropes intraveineux ou qui nécessitent une assistance transitoire. Ceux qui sont sous assistance de longue durée et ont une complication ont aussi une priorité.


  • La greffe est-elle le geste de dernier recours quand l'organe ne fonctionne plus ?
    - Oui.


  • Qui décide ? ( plusieurs acteurs: Chirurgiens, spécialiste, anesthésiste, patients.. ).
    - L’équipe.


  • La compatibilités entre donneur et receveur, comment France Transplant met elle en place tout cela ?
    - On respecte la morphologie (podes, taille) et le groupe sanguin. Ce n’est pas France transplant mais l’ABM. Il existe une liste nationale.


  • Comment se passe la consultation avec le patient qui est primordiale ? Vous sentez vous impliqués dans leur décision ? Vous permettez vous d'influencer leur choix lorsque l'opération présente des risques ou vous limitez vous à les informer ?
    - L’information est la plus complète possible, il y a en général plusieurs consultations.


  • L'histoire de la maladie du patient, cela peut il changer votre manière d'opérer ?
    - Cela peut changer la technique chirurgicale.


  • Lorsque le nombre de malades est plus élevé que le nombre d'organes disponibles, comment choisissez-vous la personne à sauver en premier ?
    - C’est toujours le cas et cela le sera toujours. On transplante les patients les plus graves en premier.


  • Avant la greffe, comment se passe le transport de ces organes ?
    - Dans une glacière pour les conserver. Le cœur est arrêté avec une solution de conservation puis mis dans un liquide froid.


  • En moyenne combien de temps dure une greffe ? ( cœur, poumons, reins, foie, moelle épinière, moelle osseuse, peau etc ? ). 
    - Pour un cœur, l’opération est d’environ 4 à 8 h, à peu près la même chose pour le poumon. Je risque de dire des bêtises pour les autres organes mais c’est assez voisin.


  • Quelle est la technique ? Est elle la même pour chaque greffe ? Ou certaines sont plus délicates ? Suite à des maladies anciennes, problèmes de santé etc ?
    - Presque pareil, plus compliqué si antécédents de chirurgie ou si malformation congénitale.


  • Le temps est il compté ( plus ou moins le même pour chaque organes. ) ? Plus vite on greffe, et il y a plus de chance de réussite ?
    - C’est vrai mais les organes les plus sensibles sont les cœur et les poumons, il faut essayer d’avoir une ischémie inférieure à 4 à 6h. Pour le foie c’est plutôt < 8-12h et le rein < 24h.


  • Pour les greffes cardiaques opérez vous sans interruptions ? Si il y a une interruption comment cela se passe ?
    - Pas d’interruption.


  • Combien de personnel médical et paramédical faut-il ?
    - Une personne qui coordonne, 1 ou 2 préleveurs, et une équipe au bloc : anesthésiste et infirmière, chirurgien, aide et 2 infirmières , perfusioniste.


  • Si il y a un éventuel rejet, et ses traitements comment réagir ?
    - Cela se traite par des médicaments.


  • Comment vous sentez vous avant pendant et après l'intervention ?
    - Content, parfois anxieux et parfois fatigué.


  • Quelle est votre réaction quand le patient est complètement rétablis et que tout fonctionne ?
    - Rassuré.


  • A l'inverse, quand il y a un échec, ou une mort ? Vous sentez vous responsable lorsque cela arrive ?
    - Responsable oui, comme pour tout patient. Ensuite on analyse la situation pour voir si l’équipe doit se reprocher quelque chose et si on peut améliorer nos protocoles.


  • Ce métier est il une satisfaction pour vous ? Comment vivez vous le fait de sauver des vies, et également parfois de l'enlever ?
- C’est une grande satisfaction, non seulement la transplantation mais aussi la médecine et la chirurgie que l’on exerce tous les jours (la transplantation ne représente qu’une toute petite partie de notre activité).


  • Combien de transplantations cardiaques faites-vous par an ?

- Dans le service environ 70 à 80, en France environ 350.


  • Quels sont les critères de sélection pour les patients sur la liste d'attente ?


- Indication ; insuffisance cardiaque réfractaire à un traitement médical bien conduit. Absence de contre indications. Compatibilité donneur /receveur : morphologie (poids et taille) et groupe sanguin.


  • Quel est l'âge moyen de vos patients ?


- Environ 50/55 ans.


  • Quel traitement est administré aux patients en attente sur la liste ?


- Traitement cardiologiques de l’insuffisance cardiaque. 


  • Quel traitement anti-rejet administrez-vous ? Varie-t-il selon les patients ?


-Tt peu variables: Induction par des anti lymphocytes
Tt d’entretient: Ciclosporine ou équivalent Corticoïdes qu’on essaie d’arrêter.
Le plus souvent un 3 eme médicament comme le mycophénolate mofétil (MMF)


  • Quels examens post-opératoires pratiquez-vous sur les patients ?


-Echo-cardiographie, biopsie myocardique, examen clinique, examens biologiques.


  • Avez-vous eu des patients qui ont développé une pathologie suite à un traitement anti-rejet ? Si oui, quelle pathologie ont-il développé ?


- Infections, cancers, insuffisance rénale…


  • Avez-vous eu des patients qui ont été amenés à se rendre à l'étranger pour trouver un coeur plus rapidement qu'en France ?


- Pas à ma connaissance


http://www.nerrati.net/europe-dossier/index.php?option=com_content&view=article&id=382&catid=31&Itemid=54


Interview destinée au malade, opéré par le Professeur Leprince.


  • Quelles étaient vos soucis de santé, le début de l'histoire de votre combat ?  

    -Insuffisances cardiaque, rénales, diabète, insuffisances respiratoire et obésité. Mon combat au départ était perdu d'avance aux dires de mon cardiologue de ville. Après le combat a débuté et mon épouse s'est battue pour avoir un rendez-vous à l'institut de cardiologie de la pitié salpêtrière à Paris. Le personnel était toujours positif alors que je me savais condamné. J'étais donc complètement négatif, jusqu’au moment où j ai rencontré le Professeur Leprince. On m'a dit que j'étais un cas compliqué avec toutes mes pathologies et qu'il fallait d'abord me remettre «en marche» pour me préparer à la greffe de façon a être en «bonne forme» .

  • Comment vous êtes vous sentis lorsque l'ont vous à annoncé que vous alliez subir une greffes ? 

    -Très mal car je n'avais jamais été opéré de ma vie.

  • Étiez vous d'accord pour cette greffe ?

    -Oui de toute façon je n'ai pas le choix, quand on vous propose de vivre encore quelques années vous ne pouvez pas refuser.

  • Avez vous eu le choix ?

    -Oui .

  • Aviez vous abordé le sujet avec votre entourage proche ?

    -Oui bien sur et souvent.


  • Aviez vous subis d'autres opérations durant votre vie ?

    -Non justement la pose de mon heartmat 2 était mon baptême.

  • Si oui y avait ils un rapport entre la greffe et ces opérations ? Si oui, lesquels ? Et pourquoi ?

    -Parce que mon état déplorable était trop faible même pour faire le bilan de transplantation il à donc fallut me poser un ventricule gauche (heartmat2), une pompe électrique qui fait office de ventricule. Ensuite j'ai fais un rejet au câble d'alimentation de la pompe donc une nouvelle opération. Après mon cœur a commencé à avoir des troubles du rythme provoquant des malaises très rapide 10 secondes ( perte de vue et de l'audition), donc direction le bloc opératoire pour la pose d'un défibrillateur pacemaker.

  • Comment vous sentez vous psychologiquement avant la greffe ?

    -Aujourd'hui 26/11/11 je me sent très bien psychologiquement après avoir vue un psychologue 3 fois. La difficulté était de recevoir sans pouvoir remercier la famille du donneur, c'était un réel problème pour moi. Aujourd'hui je suis dans la phase des examens de pré transplantation.
  • Tous les examens qu'ils vous font de pré-transplantation ainsi que le traitement et suivis médicaux sont ils fatiguant/ lourd ?
- Non, aujourd'hui la plupart des examens sont terminés et tout c'est très bien passé.
  • Comment avez vous accepter le fait de vivre avec l'organe d'un autre individu ?
- Assez mal en premier comme beaucoup je pense que le fait de ne pas pouvoir remercier la famille du donneur est très choquant au début et ensuite de penser que ce coeur pourrait peut etre sauver quelqu’un un de plus jeune que moi mais avoir discuter de tout cela avec l'équipe médicale et la psychologue tout rentre dans l'ordre.
  • Avez vous peur d'un éventuel rejet ?
- Oui bien sur qui n'aurait pas peur de cela ?
  • Comment vous êtes vous senti après l'intervention ?
- J'ai été très fatigué mais soulagé de m'être reveillé.

  • Y a t'il eu des problèmes de rejets ?
- Je viens à peine d'être greffé donc il m'est impossible de vous dire si je suis sorti d'affaire ou non.

  • Nécessitez vous d'un suivi psychologique avant et après l'opération pour vous faire à cette idée ? Pourquoi ?
- Oui évidemment. J'ai eu un suivi psychologique lors de ma première intervention, et j'en ai également besoin actuellement, ce n'est jamais simple de se faire à l'idée de vivre avec l'organe de quelqu'un d'autre mais également savoir que cette personne est décédée.

  • Qu'allez vous faire une fois votre séjour à l'hôpital et votre remise sur pied après la greffe ?
- Continuer à profiter de ma vie comme je le faisais avant, m'occuper de ma famille, et surtout recommencer à travailler.

  • Combien de temps va durer votre suivi médical ?
- Cela dépendra de mon état psychologique et également des complications éventuelles. Donc il m'est impossible de vous répondre pour le moment.



  • Allez vous faire de la rééducation ?
- En effet oui. Je dois remuscler mon coeur qui est " aussi plate qu'une limande " selon mon médecin.